Pour la deuxième fois, et dans l'assourdissante indifférence des médias locaux, l'art contemporain de Serbie s'expose à Genève. On aurait pu penser que la patrie de Marina Abramović, la "papesse" universellement adulée de l'art conceptuel, susciterait la curiosité des critiques. Or non. Comment voulez-vous faire cohabiter dans la tête du public l'image d'un pays macho, violent et arriéré et les images déroutantes d'une scène artistique sans tabous ni complexes?

Grâce à la passion de deux galeristes, Vesna Latinović et Aleksandra Vegezzi-Boškov, et d'un commissaire au jugement sûr, Sava Stepanov, cette scène présente un échantillonnage de ses oeuvres jusqu'au 18 octobre à la galerie NEST de Genève. Parmi les artistes sélectionnés figurent quatre toiles grand format (180 x 200) d’Ana Vrtačnik, la benjamine de la délégation.

Ana est la fille de mon cousin Fedor. Excellente élève, sage et consciencieuse, elle s'était toujours distinguée par son talent pour le dessin et la peinture. J'ai suivi de loin en loin son évolution. J'aurais dû être plus attentif. Sa gentillesse et sa modestie sont trompeuses: la démarche artistique d'Ana n'a rien de complaisant. A 24 ans, elle éclate avec un univers formé, une maturité étonnante et une ambition qui impose le respect. Sa série actuelle de 19 toiles immenses, non figuratives, se focalise sur une pure colorimétrie des émotions. Abstraction faite du lien de parenté, j'ai été heureux de découvrir à Genève une artiste qui sait où elle va et qui, je le sais, va compter dans les années à venir.

Il vaut la peine de voir cette étonnante exposition pendant qu'il est encore temps et, peut-être, d’y capturer un échantillon de cette créativité contemporaine vivante qui vous communique quasi physiquement son énergie.

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• Galerie NEST, 14, rue Etienne-Dumont, 1204 Genève. Jusqu'au 18 octobre.