La libération de Slaviansk à la RSR… et dans la réalité
1. Slaviansk « libérée » selon la RSR (note de mon journal, le 28 juillet 2014)
Ce matin aux nouvelles de 8 heures, la Radio suisse romande annonce « l’horreur dans la guerre en Ukraine » et diffuse une correspondance sur la découverte d’une fosse commune à Slaviansk « libérée » par l’armée ukrainienne. On y aurait trouvé 13 cadavres (12 hommes et une femme) de gens qui auraient été abattus par les insurgés. On sous-entend que ce ne serait que la première d’une série et qu’elle illustre le climat de terreur et d’anarchie qui régnait dans cette ville sous le pouvoir des séparatistes.
Et quelle est la source de cette information ? Le nouveau chef de la police locale, Igor Rybalchenko, un homme de Kiev, qu’on a interrogé par téléphone.
L’enquête de M. Rybalchenko, précise le correspondant de la RSR, Sébastien Gaubert, s’inscrit dans le cadre d’une « épuration de l’administration et de la police ». On sous-entend qu’elle est menée avec l’accord de la population, qui y contribue par des dizaines de dénonciations.
On nous parle donc d’épuration, on relaie sans restriction les propos de l’auteur même de cette épuration (un policier au service du régime de Kiev, formé par conséquent par la terrible police soviétique), on ne relève même pas le recours à la délation. Les agents du régime de Kiev sont a priori blancs et immaculés dans les infos de la RSR, comme l’étaient les hommes de l’UÇK au Kosovo en 99, avant qu’on découvre l’ampleur et l’horreur de leurs crimes. Il est stupéfiant qu’on n’ait tiré aucune leçon de prudence et de scepticisme de ce « Tchernobyl de l’information » qu’a été la guerre yougoslave.
2. Sept mois plus tard
Une équipe de télévision ukrainienne effectue un micro-trottoir dans la même ville de Slaviansk « libérée » des prorusses en juillet. Question posée: « faites-vous confiance à Porochenko? » le résultat est hilarant. L’« horreur » russe dénoncée par la RSR semble bien oubliée dans la bourgade...
PS — La radio suisse romande n’a pas le monopole des slogans de propagande diffusés lors de la prise de cette ville par les forces de Kiev. Plus en amont, les agences de presse comme l’AFP ont complaisamment servi de porte-parole aux agences de relations publiques de Porochenko. Exemple, ce dithyrambe sans nuances où la population de la ville apparaît unanime derrière le régime putschiste: « Libéré des séparatistes, Slaviansk veut croire aux promesses de Porochenko » (Le Parisien, 9 juillet 2014.)