De l'utilité des gueules d’ananas
Au début des années 1990, la Croatie élut président un révisionniste historique (Franjo Tudjman), ressortit de la naphtaline le drapeau de l’«Etat indépendant de Croatie», sinistre satellite de l’Axe dont les généraux allemands eux-mêmes condamnèrent les exactions, réhabilita ses «héros» de la même époque en leur offrant des dizaines de noms de rues et expulsa, du 4 au 8 août 1995, pratiquement toute sa minorité serbe de Krajina, réalisant du même coup la plus vaste opération de nettoyage ethnique (et de loin!) de toute la guerre civile ex-yougoslave.
Résultat: le président Tudjman fut accueilli partout en Occident et mourut tranquille dans son lit; la Croatie fut accueillie dans l’UE; les généraux responsables du crime susmentionné furent acquittés par le TPI et accueillis en héros à Zagreb. A l’heure actuelle, les propriétés des Serbes chassés font l’objet d’une expropriation cadastrale venant parachever l’éradication de leur présence en Croatie.
En février 2014, une manifestation ultraviolente chassa le pouvoir élu de Kiev à l’aide, notamment, de snipers tirant à la fois sur la foule et la police afin d’aggraver les confrontations; le pouvoir putschiste commença par interdire l’usage officiel de la langue russe, dont il se servait par ailleurs lui-même; des mouvements néo et vétéronazis se mirent à faire la pluie et le beau temps en Ukraine. Le bataillon « Azov », troupe de choc du nouvel Etat, arbora sans complexe l’enseigne de la IIe division SS mécanisée, de sombre mémoire. Les criminels de guerre nazis ukrainiens furent réhabilités dans la foulée. Et autres réjouissances historiques.
De 1991 à 2014, aucune instance significative en Occident n’a rien entrepris pour dénoncer ou entraver ces mouvements. Au contraire, les instances significatives n’ont fait que les encourager, les armer et les blanchir au besoin. Il en ressort que l’Occident attise à l’Est des fléaux qu’il combat avec la plus sévère vigilance chez lui (et l’on pourrait dire de même du djihadisme version 2.0). Au risque de devoir les larguer ou les bombarder sur les bords lorsqu’ils dépassent les bornes.
En méditant sur toutes ces coïncidences, un horrible soupçon rétroactif me parcourt: et si Adolf Hitler n’avait été que la première Gueule d'ananas1 du XXe siècle?
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Surnom du dictateur panaméen et narcotrafiquant Manuel Noriega, homme de main des Etats-Unis, qui fut conspué et jeté dans un cul de basse-fosse après avoir servi. ↩