Le poème qui contient l'univers

Une correspondance avec une lectrice sur les signes des temps me rappelle qu'il vaut la peine de le partager plus amplement.

Je ne sais plus d'où je l'ai retraduit, voici quelque temps déjà, mais je sais que j'y reviens souvent. Peut-être d'un ouvrage de Hámvas, qui cite souvent les textes indiens. Plus dense et plus simple que toute autre cosmogonie, il n'en résume pas moins l'essentiel: cet autre niveau d'être, infiniment différent et pourtant si proche, où le divin réside. Et d'abord, et surtout, il est beau, si beau dans sa nudité qu'il donne envie de pleurer. Le voici donc restitué tant bien que mal à une ou deux langues de distance de sa version originale.


Brahman

Il se manifeste en tant que blanc, que jaune, que noir, que couleur de métal, que nuances de soleil.

Il n’étincelle pas dans les étoiles, n’éclate pas dans la foudre, ne se donne à voir ni dans les nuages, ni dans le vent, ni dans les dieux, ni dans la Lune, ni dans le Soleil.

Il n’est ni dans les poèmes, ni dans les chants sacrificiels, ni dans les hymnes, ni dans les chants de joie, ni même dans les serments.

Par-delà les ténèbres, invincible, qu’advienne l’heure dernière et la mort elle-même se dissoudra en lui.

Il est plus petit que l’infime, plus mince qu’une lame de rasoir, et plus grand que les montagnes géantes.

Nous nous tenons tous là, il est immortel, il est Brahman, le très-haut, car tous les êtres proviennent de lui et se fondent en lui.

Il ignore la maladie, lui le très-puissant qui surplombe tout comme la voûte céleste. Un mot seul peut le changer, disent les sages. C’est le fondement du monde et qui le connaît, celui-là est immortel.

(Sanatsudjata parvan)

Diffusé dans ma lettre aux amis le 11 juin 2015. Il est vivement recommandé de s’y abonner !