Un faux pas qui aurait pu être fatal: à Perth, un homme se prend la jambe entre la marche du métro et le quai. Aussitôt, les usagers du métro s'activent pour prévenir le conducteur et faire basculer la rame. La jambe est dégagée au bout de deux tentatives. Applaudissements!

La même chose m'est arrivée l'hiver dernier à Paris, station Miromesnil. Comme je boitais d'un genou, ma jambe gauche a plongé dans le fossé. J'étais le dernier à monter dans le métro: personne à quai, et des visages de merlans frits dans la rame. De ma perspective d'enfant ou de cul-de-jatte, j'ai levé le regard pour happer des yeux, n'ayant pas le temps de crier. J'en ai vu plusieurs se détourner! Et les autres me fixer avec une sourde horreur comme si j'étais déjà déchiqueté.

La sonnerie du départ a retenti. Pris entre rage et désespoir, mon mépris de la nature humaine m'a fait basculer du bon côté: la rage! J'ai jeté mon sac, hurlé comme Jimmy Connors et me suis hissé tout seul, déchirant le pantalon, me faisant pincer le pied entre les portes. Le métro a démarré sans retard.

Je n'ai jamais vécu de malaise plus palpable que celui qui a envahi ce bout de train, un après-midi de février 2014. Je me suis senti visé, comme on sent que quelqu'un vous met en joue. Visé par une onde de haine, en tant que témoin gênant de l'inhumanité générale de ce souterrain.

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*Je n'aurais jamais publié cette note de journal si je n'avais vu, aujourd'hui, cette [vidéo de surveillance du métro de Perth](http://tinyurl.com/ofzgl57). Elle m'a convaincu que les gens n'étaient pas partout aussi inertes, aussi indifférent. Pas partout, pas tout le temps. J'étais sans doute tombé sur une mauvaise heure, un mauvais bout de quai. Mais je n'aimerais pas que cette expérience arrive à d'autres. Aussi je vous la raconte en vous priant de la diffuser.*