Une vaine polémique...

Une vaine et méchante polémique a éclaté en Suisse romande autour d’un communiqué de l’État du Valais traitant de la situation sur le front des clandestins. Le train de nuit Thello, venant d’Italie, a fait l’objet durant trois semaines, en mai-juin, de contrôles appuyés par la police et les gardes-frontières lors de son entrée en Suisse.

Quelque 700 migrants clandestins ont ainsi été repérés et renvoyés en Italie.

Sur l’ensemble des médias qui ont relaté le communiqué, un seul, Le Nouvelliste local, a cru comprendre que ces chiffres se rapportaient à deux rames isolées du train Thello, où l’on aurait cueilli respectivement deux cents et cinq cents clandestins environ.

Le plus cocasse est que le Nouvelliste est aussi le seul journal à avoir appelé pour confirmation le conseiller d’État en charge du dossier, Oskar Freysinger.

On imagine la scène : 500 clandestins débarqués d’une seule rame ! Il n’y aurait eu qu’eux dans le train, de la motrice jusqu’au signal de queue ! Et combien aurait-il fallu de forces de l’ordre pour faire descendre ces gens et les reconduire ensuite ?

Bref, cette absurdité surréaliste a été la seule chose retenue par une partie de l’intelligentsia et des médias 1 dans le but de compromettre Oskar Freysinger et ses services de sécurité. Elle témoigne de l’ignorance totale, confinant à l’aveuglement, de cette même classe « pensante » vis-à-vis du problème de l’immigration clandestine dans sa réalité concrète.

En effet, comme l’a fait observer Romaine Jean dans un tweet, cette « polémique sans intérêt » cachait un « vrai sujet : que faire pour gérer une migration d’une ampleur historique ? »

Oui, le vrai sujet est bel est bien là : 700 migrants clandestins repérés en trois semaines lors de contrôles appuyés sur une seule ligne de train ! Cela donne mille par mois, douze mille par an. Sans compter ceux qui échappent au radar.

Face au raz-de-marée, les donneurs de leçons droit-de-l’hommistes français ont fermé leurs frontières, de même que les Autrichiens. On se demande ici ou là ce qu’il reste du système de Schengen. Les partis dits « populistes » attendent leur heure...

Et encore une fois, le véritable enjeu va nous échapper. Car tout le monde semble oublier, tant chez ceux qui ne veulent pas des clandestins que parmi leurs avocats (à peu de frais, personne n’ayant encore proposé d’en accueillir à domicile), que ce flot, ce flux, ce raz-de-marée n’est pas constitué d’eau, de boue ou de lave, ni même de chiffres, mais uniquement de gens. D’êtres humains comme vous et moi.

Qui sont-ils ? D’où viennent-ils exactement ? Comment ? Et surtout : pourquoi ? S’ils sont musulmans, pourquoi se précipitent-ils en terre infidèle et hostile plutôt que dans des pays frères ? Dans quel état se trouvent les pays et les cités qu’ils laissent derrière eux ? Si ce sont des déserts et des ruines, qui est responsable de cette désolation ? Que pourrait-on faire pour qu’elle cesse, pour que des gens par millions n’aient plus besoin de quitter le sol qui les a vus naître ?

Silence. Certes, on en parle un peu. Le minimum. Comme si le fond du problème, un fond du reste à tiroirs, nous faisait peur.

...Et un livre essentiel

Cela me rappelle un des tout premiers livres que j’ai publiés en tant qu’éditeur indépendant chez Xenia. Une fois que tu es né, tu ne peux plus te cacher, de Maria Pace Ottieri, était un reportage poignant sur les boat people débarquant à Lampedusa il y a dix ans et plus. Le livre a raflé tous les prix de littérature documentaire en Italie, et l’on en a même tiré un film de fiction.

C’est que l’auteure avait justement eu cette idée saugrenue de considérer ce phénomène non comme une statistique, non comme un problème de géopolitique ou de sécurité nationale, mais avant tout comme un grand drame humain. Elle est allée, seule, à la rencontre des arrivants aussi bien que de ceux qui les repêchaient ou qui les accueillaient : gardes-côtes, policiers, assistants sociaux, infirmiers, prêtres. Pourquoi les premiers avaient-ils consenti à tant de risques ? Comment les seconds voyaient-ils leur tâche ?

Quel a été l’écho, en France et en Suisse, de ce magnifique témoignage sur une épopée de notre temps ? Quasi nul ! Aucun grand article dans la presse du mainstream, aucune demande d’interview, ou presque, pour l’auteure, elle-même impeccablement de gauche puisqu’elle était l’une des grandes plumes du Manifesto...

Pourquoi ce silence ? A cause de la réputation sulfureuse de l’éditeur ? De l’indifférence ? Du fait que *les documents traduits d’autres langues que l’anglais passent quasi systématiquement à la trappe dans les rédactions ? *

Un peu de tout ça, sans doute. Mais surtout un épais nappage d’aveuglement délibéré et de peur. Les Européens de l’Ouest ont-ils encore assez de courage — c’est-à-dire de cœur — pour affronter les signes de leur propre destin ? Ont-ils assez d’humanité pour envisager, face à l’étranger, autre chose que la répression ou la démission ? Les voici aujourd’hui tétanisés, sur le pas de leur porte, par les conséquences logiques de leur propre nihilisme et des guerres néocoloniales que l’Occident — c’est-à-dire vous et moi — a déclenchées sans jamais savoir les terminer. Ils se disent humanitaires parce que désarmés. Mais demain ? Leur absence de cœur ne dit-elle pas assez comment ils agiront lorsque la coupe sera pleine ?

« Craignez le courroux de l’homme en bermuda ! » recommandait le regretté Philippe Muray à ses Chers djihadistes. « Et nous vaincrons. Bien évidemment. Parce que nous sommes les plus morts. »

Page du livre

A écouter : lecture d’un extrait de Une fois que tu es né, tu ne peux plus te cacher par Slobodan Despot.

A lire (extrait PDF)

/adapté de ma lettre d’information/


  1. Le Matin Dimanche, notamment, s'est surpassé dans son édition du 28 juin.