Ils ont bon dos, les robots! A l’origine, souvenez-vous, ils n’étaient qu’une prolongation technologique de l’esclavage. Le mot lui-même vient d’une racine slave qui désigne le travail. Il apparaît pour la première fois dans un roman de l’écrivain tchèque Karel Čapek. Dans mon enfance, j’adorais les robots et les craignais un peu: j’avais pour compagnon de jeu un robot mécanique, tout anguleux, tout grinçant, dont la seule prouesse technologique était de faire des étincelles quand on le poussait sur ses roulettes.

Mais voici que, comme les animaux et les plantes vertes, les robots sont en train d’accéder à leur dignité, à leur autonomie, et bientôt à leur personnalité à part entière. On me rétorquera que cela ne date pas d’hier: la créature de Frankenstein, qui n’était qu’un robot bricolé à partir de matériaux préfabriqués — chair de cadavres —, n’a-t-elle pas ouvert la voie? La révolte des robots n’est-elle pas l’un des thèmes les plus courants de la science-fiction en mal de sujets?

Or ce que les écrivains de SF n’avaient pas prévu, c’est que les esclaves mécaniques, dans leur course vers le statut de maîtres, auraient de nombreux alliés. Notamment ces coupeurs de cheveux en quatre professionnels que sont les juristes. Sont-ils doués de jugement et à partir de quel moment? Si oui, ils sont responsables de leurs actes. Donc: il faut nécessairement leur octroyer une carte d’électeurs et les soumettre à l’assurance RC. Je simplifie, mais à peine.

Le grand écrivain Philip K. Dick prédisait qu’un jour nous allions échanger nos places avec les machines. Que les robots seraient plus humains et plus responsables que les hommes. Ce qu’il avait oublié de dire, c’est que les cerveaux mécaniques n’auraient que la moitié de la montée à accomplir, ou même moins, pour égaler les intelligences supérieures. Le reste, la dégringolade vers la pensée mécanique, nous nous en chargeons assez bien nous-mêmes!

Chronique pour «Les Beaux Parleurs» du 7 mai 2017.