On ne le répétera jamais assez: l'émission de Frédéric Taddéi Ce soir ou jamais sur France2 est un surprenant îlot de discussion libre dans le paysage audiovisuel français. Merci à Frédéric d’avoir maintenu cette «zone autonome temporaire» (comme aurait dit Hakim Bey) depuis tant d’années!

L’édition du 13 mars 2015 était consacrée à Vladimir Poutine et sous-tendue par la question du retour à la guerre, chaude ou froide.

J'ai été heureux de pouvoir y livrer mon sentiment sur les rapports de l’Occident avec la Russie, même si l’angle adopté par l’émission me paraissait biaisé d’emblée. Je m’en suis du reste expliqué sur le plateau: la focalisation sur la personnalité, les idées et les intentions du seul président russe met sous le boisseau toutes les autres dimensions clefs de la crise, de la politique d’encerclement de l’OTAN au fonctionnement de l’Etat et de la société russes dans leur ensemble.

On avait placé du côté des «défenseurs de la Russie» Hubert Védrine, diplomate machiavélien, Frédéric Pons, biographe de Poutine, factuel et argumenté, et moi-même; dans le «camp d’en face» Andreï Gratchev, le conseiller de Gorbatchev, scrupuleux, cultivé et ouvert comme tous ces Russes de l’après-URSS qui allaient amèrement déchanter, la journaliste Manon Loizeau, courageuse et orientée, et le lobbyiste Raphaël Glucksmann, fils du «nouveau philosophe» André Glucksmann.

Il est vrai, comme beaucoup l’ont observé, que la discussion a nettement tourné au désavantage des «poutinophobes», essentiellement à cause de la défection de Gratchev. Malgré son hostilité à Poutine attestée par ses livres, l’ancien ministre a dépeint avec finesse la situation de la Russie et légitimé ses réactions. Mais il apparaît aussi très nettement que le réalisme n’était pas de ce côté-là de la table.

Une autre raison de leur défaite tient en la révélation d’un conflit d’intérêt majeur impliquant l'épouse de M. Glucksmann. Il s'est avéré que celui-ci n'était pas seulement le fils de son père, mais, dans le dossier qui nous occupait, le mari de sa femme, vice-ministre de l'Intérieur ukrainienne (en réalité géorgienne naturalisée à la hâte), et donc travaillant à la répression de l'insurrection du Donbass. Il est regrettable que ce détail de poids ait dû être signalé par un invité sur le plateau et non par l'intéressé lui-même avant l'émission.

A visionner ici:
https://youtu.be/VpjwZH7O0sk